L’Etincelle, un lieu historique à Angers

Cela faisait longtemps que nous voulions vous raconter l’histoire de l’Etincelle, car si beaucoup connaissent probablement l’existence de ce lieu de près ou de loin,  très peu connaissent vraiment ses origines et ses secrets… Ce lieu qui fait partie de la vie angevine depuis maintenant 21 ans est devenu  un incontournable dans le milieu militant, alternatif et contre-culturel, un peu comme les Tanneries à Dijon ou l’Athénée Libertaire à Bordeaux, pour ne citer qu’elles…

Bonne lecture!

 

Un peu d’histoire…

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le bâtiment en 1983

A l’issue du « mouvement des chômeurs » et précaires de l’hiver 1997-1998, des collectifs et organisations (comme la LCR, AC!, le MOC (Mouvement des Objecteurs de Conscience) ou encore la Fédération Anarchiste) ainsi que des individu-e-s  décident d’ouvrir un local pour héberger leurs activités et réunions. Ces collectifs étaient auparavant impliqués dans la Maison Angevine des Mouvements Alternatifs, sorte de « grande sœur de l’Etincelle », qui accueillait entre autres la radio Alternative Radio Gribouille, désormais Radio G!
Le contexte culturel et social à l’époque sur Angers est propice aux émulations en tout genre, puisque c’est aussi à cette époque que s’ouvre la salle de concert mythique le Chabada (en 1996 précisément),  grâce à l’impulsion d’une scène musicale alternative déterminée à ce que des styles comme le rock s’implantent enfin à Angers.

Le collectif de personnes monte l’Association Culturelle Alternative (ACA) et déclare officiellement ses statuts en préfecture le 27 juin 1996.
Puis, c’est au 26 de la rue Maillé que l’association  trouve à louer le rez-de chaussé d’une bâtisse à la façade remarquable qui avait connu de multiples fonctions (garage auto, salle de danse,…).

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    la façade remarquable de l’immeuble

                                  

Quelques travaux permettront à ce vaste espace de plain pied  d’une centaine de mètres carrés de disposer d’un hall,  d’un espace bibliothèque, d’’une arrière salle avec un point cuisine et d’une petite buvette-salle de convivialité servant à accueillir des bouffes mais aussi de nombreux concerts. Et d’ailleurs, le concert d’inauguration de l’Etincelle se déroulera au Chabada en 1997, avec un concert des Thugs, dont certains membres sont partie prenante de la vie de l’Etincelle.

Le loyer est payé chaque mois à un propriétaire privé, et l’association s’agrandit en adhérent-e-s au fil du temps.
L’étage de l’immeuble est à l’époque habité par une dizaine de ménages.
Des collectifs quittent le navire alors que de nouveaux prennent le relai, comme Reflex-No Pasaran ou plus tard, Sud Étudiant-e-s, la CNT ou encore Alternative Libertaire. Un second Collectif Emancipation (féministe) se remonte sur les cendres du premier.

Depuis le début, le bâtiment est voué à une future démolition, mais personne ne sait exactement quand. Les travaux d’entretien de l’espace seront entièrement réalisés par les membres du lieu au fil du temps avec leurs compétences, et ce malgré une salubrité discutable, notamment au niveau de la façade qui présente des signes de fatigue.

En 2005, la Ville d’Angers rachète l’ensemble de l’immeuble, mais ne prévient pas immédiatement l’association qui en est locataire. Ainsi, pendant deux ans, les loyers continuent d’être versés à l’ancien propriétaire du lieu, alors évaporé dans la nature…
C’est en 2007 que l’Etincelle reçoit un courrier officiel de la Mairie annonçant qu’elle est propriétaire des lieux et qu’il va falloir songer à partir puisque le projet immobilier qui doit remplacer la bâtisse va démarrer dans un futur prochain.
Un rendez-vous de négociation avec les services de la mairie  de l’époque permet alors à l’association de rester dans les locaux actuels en disposant d’une gratuité des loyers, en contrepartie d’un bail précaire reconductible tacitement tous les trois mois jusqu’à expulsion.

L’association ne paye alors plus que les charges qui lui incombent chaque mois et entend de multiples rumeurs quant au futur projet qui devra la remplacer, d’abord une crèche, ensuite une banque, ensuite des immeubles d’habitation…
Pendant ce temps, l’Étincelle tisse de solides liens avec le voisinage de la rue Maillé et remplit une sorte de fonction d’accueil et de lien social auprès de personnes exclues par la société qui sont habituellement refoulées des bars, cafés.

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un concert en 2011 (ici le groupe Desecrator)

 Il arrive même parfois que des services sociaux orientent des personnes démunies  vers l’Étincelle pour y passer une soirée, aller voir un concert.

Le contexte socio-politique angevin évolue au fil des actualités : l’annonce de la loi sur le Mariage pour Tous attise la haine des catholiques intégristes qui se rassemblent en tant que Veilleurs place du Ralliement pour s’opposer à cette loi.
Parallèlement à cela, les groupes fascistes d’Angers se consolident, dans l’ombre de la Manif pour Tous. Il arrive fréquemment que des tags de croix gammées ou de symboles fascistes soient retrouvés sur le portail de l’Étincelle. Ne se contentant pas de peinturlurer les portails et les façades, certains jeunes d’extrême droite se pointent parfois, alcoolisés, à la fin des concerts pour se la coller avec les membres du lieu, qu’ils n’hésitent pas à venir agresser en les traitant de « sales gauchos », « communistes » et compagnie, demandant si les membres de l’Étincelle avaient « voté Hollande » et si des « sans papiers  dormaient ici sur l’argent de leurs impôts. »

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le portail et la façade voisine tagué-e-s

Les agressions se multiplient à l’égard de personnes  supposées être de l’Étincelle, pendant que certains fachos désormais identifiés s’attaquent physiquement à des personnes noires dans les rues d’Angers un soir d’octobre 2016 en les traitant de « sales négresses ».

 

En novembre 2016 survient le drame des balcons, dans l’immeuble juste en face de l’Etincelle. Les membres de l’asso présent-s- ce soir-là à l’occasion d’une  conférence proposent spontanément d’accueillir au chaud et à l’abri les proches et familles des victimes avec les moyens du bord (tisanes et écoute attentive).  Remué-e-s par le choc de l’évènement, ce n’est pas simple pour certains-e-s de revenir les temps d’après dans cette rue, devenue lieu de pèlerinage pour des vautours assoiffés de photographies sordides.

Début 2017, alors que l’Étincelle se prépare à fêter ses 20 ans, elle reçoit le coup de massue toujours redouté :
une lettre officielle de la Mairie annonçant que le projet de démolition va démarrer, et qu’il faut partir… vers un autre endroit. La mairie informe que dans le cadre de sa politique  en faveur des associations, elle se doit de proposer un relogement à l’Association.
La recherche d’un nouveau local démarre, pendant que des experts défilent les uns après les autres pour effectuer de nombreuses analyses sur le bâtiment. Les membres de l’Étincelle cherchent par leurs propres moyens mais les espaces disponibles qu’ils et elles trouvent sont soit déjà rachetés par la Ville d’Angers soit totalement hors de prix au niveau des loyers.
La tension monte. Un premier bâtiment que les services de la Ville d’Angers proposent en visite ne correspond absolument pas aux besoins de l’Etincelle, il s’agit d’une maison à étages avec de toutes petites pièces difficilement modulables compte tenu d’un escalier en plein milieu…
Les membres de l’association indiquent alors qu’aucun déménagement ne sera possible tant qu’un autre lieu pouvant répondre au minimum aux besoins actuels ne leur sera proposé. C’est en effet plus de 15 collectifs et associations qui mutualisent maintenant cet espace de façon autogérée pour y proposer des activités  quotidiennement qui risquent de se retrouver sur le carreau… Une pétition de soutien à l’Etincelle compte plus de 1500 signatures en moins de deux semaines. Lors de la manif du 1er mai, un cortège un peu spécial vient gonfler les rangs des manifestant-e-s : une batuccada de l’Etincelle sera rejointe par de nombreux-ses personnes, angevines ou non dans une ambiance familiale. Parallèlement à cela, des contacts téléphonique quotidiens en direction des services de la Ville sont émis afin de demander de nouvelles visites, et des membres de l’Etincelle participent à des réunions publiques de la Ville afin de pouvoir s’adresser directement au Maire.

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Finalement, d’autres visites sont proposées, la Ville d’Angers présente un local boulevard du Doyenné, accepté par l’Association, ce qui fait encore un petit clin d’œil au Chabada puisque c’est maintenant son nouveau voisin.

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Il faut déménager très vite ; en une semaine, les membres du lieux ont réussi à déplacer 20 ans d’activités, au prix de quelques tours de déchetterie et de quelques maux de dos.

Et maintenant…

Une convention d’occupation des locaux est donc signée  fin juillet 2018. L’association paye les charges mensuelles à la mairie, et prend à sa charge l’ensemble des travaux réalisés dans le local pour le rendre fonctionnel aux activités  des collectifs.

Depuis le début, l’association a fait le choix d’occuper les locaux sur un mode conventionnel et contractuel. Ainsi, à aucun moment le bâtiment au 26 rue Maillé n’a été squatté, contrairement à ce que certains prétendent encore parfois. Des baux (précaires ou non) ont toujours lié l’association à ses propriétaires, qu’ils soient privés ou publics.

A aucun moment, l’association n’aura réclamé la moindre subvention à qui que ce soit, ni à la DRAC, ni même à la Ville d’Angers.
Comme elle l’a toujours dit, son indépendance financière est la garantie de son autonomie, et même si cela peut amener à des mois parfois difficiles, cela en vaut la chandelle.
De plus, même si elle en avait les moyens et l’énergie, l’Étincelle ne s’octroie pas non plus le droit de surveiller scrupuleusement les actions des collectifs à qui elle offre de temps à autre son espace. Pour autant, ce lieu militant, associatif et autogéré continue de chercher, d’expérimenter et de proposer des solutions alternatives au monde capitaliste actuel. Les collectifs qu’elle réunit sont tous mobilisés à leur échelle contre les discriminations et injustices que génère cette société. Ainsi et depuis toujours, de par la diversité des collectifs et ateliers, cet espace offre aux angevin-e-s (mais pas que) un véritable lieu de réflexions, d’expérimentations et de lutte. Cette diversité va de l’antiracisme à la lutte pour la liberté et l’égalité animale, en passant par l’antifascisme, le féminisme et l’implication dans une scène musicale et artistique alternative à l’industrie mainstream.

Certains collectifs proposent également des solutions pour soutenir une agriculture locale et respectueuse de l’environnement, pendant que d’autres offrent des temps de soutien aux personnes en difficultés, des moments d’échange et de réflexion conviviaux autour d’une film, d’un ordinateur, d’une lecture, d’un repas végétarien/végétalien ou d’une soirée festive. L’Étincelle encourage, soutient et collabore également à des espaces (squats, zads, projets collectifs…) qui expérimentent et luttent pour des alternatives au monde oppressif et inégalitaire dans lequel nous vivons.

Enfin, l’Étincelle essaie déjà de faire ses activités du mieux qu’elle peut avec les moyens du bord, et ce depuis 21 ans, ce qui n’est pas si mal finalement…

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2 commentaires pour L’Etincelle, un lieu historique à Angers

  1. cAROLE mARIN dit :

    Super cet historique, qui éclaire sur l’ambiance riche que chacun peut trouver à l’Etincelle si divers que nous sommes à y passer plus ou moins souvent.
    Merci
    Carole

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